Les Affinités électives


Notes de Résidence
Point de départ: J'ai été invitée par Le Kabinet photo à exposer une série de portraits de femmes lors d'une exposition collective ayant pour problématique: Bruxelles au travers du portrait en photographie. 
 puis à explorer lors d'une résidence les liens et les prolongements de ce travail.

Lala*                                                                       
Chaque portrait est précédée d’une rencontre.
Elles me racontent leurs histoires.
Je leur demande de poser pour moi et de me dévoiler de leur visage l’équivalent de ce qu’elles peuvent assumer de leur homosexualité face au monde.
Extrait:
Nous nous donnons rendez-vous dans la salle privée d’un restaurant.
Cette rencontre parait très confidentielle.
Mon interprète me traduit ainsi:
«La pression familiale est grande, je me laisse pousser les cheveux pour mon mariage, depuis presque un an, je simule auprès de ma famille une relation avec un homme que j’ai rencontré par internet.
Nous allons nous marier, peut être même avoir un enfant.
En ce moment je n’ai pas de copines, je suis très timide.»
La femme de la patronne du bar Lala* veut bien poser pour moi, la rencontre est rapide en toute transparence.
«Ma famille est au courant, cela a toujours été clair, j’ai beaucoup de chance.»

*Lala : petit nom donné aux femmes qui aiment les femmes.


   


Ma résidence commence,

Comment faire lien entre cette série photographique qui témoigne de la rencontre avec un certain milieu lesbien en Chine qui questionne la liberté que s'accorde chacune à vivre son homosexualité face au monde selon leur culture ou entourage familiale et Bruxelles réputée comme la capitale LGBTQI, le mariage homosexuel est ouvert depuis 2003, la P.M.A entre un couple de femme est légal. Je me demande si cette résidence à un sens puisque tout est déjà assez limpide.


Parler d'homosexualité c'est tout d'abord parler d'amour.

Je me souviens de cette légende du fil rouge, tirée d'un conte Chinois qui évoque la destinée des êtres selon un fil rouge.

« L’auberge des fiançailles. »

Un beau soir, un jeune voyageur nommé Wei Gu 
de passage dans la ville de Songchen 
descendit dans une auberge pour la nuit. 
Devant l’entrée et sous le clair de lune 
il y rencontra un vieillard. 
Ce vieil homme était appuyé 
contre un sac en toile 
et consultait un livre étrange. 
Intrigué, Wei Gu l’interrogea, 
lui demandant ce qu’il y cherchait. 
Le vieillard lui répondit 
que ce livre contenait 
toutes les unions matrimoniales du monde. 
Il ajouta que le sac de toile 
contre lequel il était appuyé 
contenait des fils de soie rouge 
qui, une fois attachés aux pieds 
de deux personnes, les vouent à être époux, 
et ce quelle que soit la distance sociale 
ou géographique qui les sépare actuellement, 
même si leur familles sont ennemies jurées.
Wei Gu lui demanda alors qui serait sa femme. 
Le vieillard lui répondit qu’il s’agissait 
de la petite fille de la marchande de légumes. 
Pensant qu’il se moquait de lui, Wei Gu monta se coucher.
Le lendemain, curieux, Wei Gu allât tout de même 
jeter un coup d’œil à l’étal de la vieille marchande de légumes. 
Il fût vexé de voir que la jeune fille était assez laide, 
il la poussa alors qu’elle passait à côté de lui 
avant de s’éclipser, énervé et honteux.
Bien des années plus tard, 
il épousa une jolie jeune femme et, 
comme le veux la tradition, 
il ne découvrit son visage que le soir du mariage. 
Elle avait une mouche entre les deux sourcils, 
intrigué, Wei Gu lui demanda pourquoi. 
Elle lui répondit que lorsqu’elle était petite 
un voyou l’avait faite tomber sur le front 
et qu’elle en avait gardé une cicatrice. 
Wei Gu réalisa que c’était lui le voyou 
dont elle parlait et que le vieil homme avait raison. 
Il lui confessa son histoire, 
qui parvint jusqu’au préfet de Songchen. 
Celui-ci décida de renommer l’auberge 
« l’auberge des fiançailles » 
et le vieillard sous la lune 
fut rapidement connu de tous. 
Wei Gu et sa femme, 
comprenant que leur union était prédestinée, 
décidèrent de ne jamais se disputer.

Li Fuyan.
Extrait du recueil de contes Xu You Guailu



Bruxelles, février 2017
Un verre dans un bar, une rencontre, une invitation, des présentations, des projets, des militantes, quelques portraits, une marche féministe qui tourne mal, une soirée queer… 


Je me laisse guider par les liens tissés entre les femmes que je rencontre. Je propose à chacune d'elles un rendez-vous qui me guide inévitablement vers un autre. 




Le temps étant court, j'ai souhaité rassembler ces âmes lors d'un apéro, 
la nappe de la table servant de toile d'expression accompagnant nos échanges créant alors une trace de ce moment.

Nous sommes toutes autour de cette table, peu importe qui nous sommes finalement, 
nous avons des affinités électives qui font que nous sommes réunies ce soir là et qui ne définissent pourtant pas la qualité ou la direction de nos échanges.


Goethe, en 1809, dans «Les affinités électives».

« Tous les cordages de la flotte royale, du plus fort au plus faible, 
sont tressés de telle sorte qu’un fil rouge les parcourt tout entiers 
et qu’on ne peut l’en extraire, sans que l’ensemble se défasse »

l'affinité élective 
est le processus par 
lequel deux formes 
culturelles - 
religieuses, 
intellectuelles, 
politiques ou 
économiques - 
entrent, 
à partir 
de certaines 
analogies significatives, 
parentés intimes 
ou affinités de sens, 
dans un rapport d'attraction et influence réciproques.




L'apéro de la reine, à donné lieu à une édition d'artiste comprenant 6 livrets reliés à la main au fil rouge 
tirés en 5 exemplaires numérotés regroupant, écrits, dessins, photos, expressions libres témoignant de ces échanges.


                        
(à venir... photos des éditions plus détaillées)




Pour accompagner cette installation une série de photo vient s'immiscer dans l'exposition
 en ajoutant un autre axe d'observation de la ville de Bruxelles fraichement découverte. 
Les femmes qui aiment les femmes, se fondent dans les portraits Bruxellois de cette exposition collective.
Les éditions sont suspendues et reliées aux portraits dansés de ces femmes Bruxelloises. 
Ce fil rouge comme chemin conducteur de la pensée vient tisser les liens de ce qui nous a rassemblées. 
De Xi'An à Bruxelles.


Vues de l'expo avec rendu de résidence:

      

    

Ces photographies de femmes représentent les affinités des corps dans des danses photographiques. 
Pendant de longs temps de pauses, les corps sont en mouvement. 
Le mien, invisible mais pourtant actif, vient éclairer les éléments que je souhaite voir se révéler à la prise de vue. 
La lumière vient prolonger ce fil rouge et tisser un chemin de pensée accompagnant ma démarche et révéler ces affinités électives.





un super article !
http://www.seeyouthere.be/residency-charlene-le-du-at-le-kabinet-photo/